Benoît et le nouvel ordre mondial

 

DEPUIS l'économie mondiale a commencé à osciller comme un marin ivre en haute mer, il y a eu des appels de plusieurs dirigeants mondiaux pour un «nouvel ordre mondial» (voir L'écriture sur le mur). Cela a conduit de nombreux chrétiens à se méfier, peut-être à juste titre, des conditions de maturation d'un pouvoir totalitaire mondial, ce que certains pourraient même identifier comme la «bête» d'Apocalypse 13.

C'est pourquoi certains catholiques ont été horrifiés lorsque le pape Benoît XVI a publié sa nouvelle encyclique, Caritas in Veritate, cela semblait non seulement concéder à un nouvel ordre mondial, mais même l'encourager. Cela a conduit à une vague d'articles de groupes fondamentalistes, agitant «l'arme fumante», suggérant que Benoît est en collusion avec l'Antéchrist. De même, même certains catholiques semblaient prêts à abandonner le navire avec un possible pape «apostat» à la barre.

Et donc, enfin, j'ai pris quelques semaines pour lire attentivement l'encyclique - pas seulement quelques gros titres ou citations sortis de leur contexte - pour tenter de comprendre ce que dit le Saint-Père.

 

UN NOUVEL ORDRE… L'IDÉE DE DIEU?

Certains pourraient être surpris de savoir que de nombreux pontifes, à un degré ou à un autre - de Léon XIII, Jean XXIII, Paul VI, à Jean-Paul II - ont reconnu le phénomène émergent de la mondialisation au siècle dernier:

Après tout ce progrès scientifique et technique, et même à cause de lui, le problème demeure: comment construire un nouvel ordre de société basé sur une relation humaine plus équilibrée entre les communautés politiques au niveau national et international? —POPE JEAN XXIII, Mère et professeur, Lettre encyclique, n. 212

Le pape Benoît XVI note dans sa nouvelle encyclique le rythme étourdissant de ce nouvel ordre.

La nouveauté majeure a été l' explosion de l'interdépendance planétaire, communément appelée mondialisation. Paul VI l'avait partiellement prévu, mais le rythme féroce auquel il a évolué ne pouvait être anticipé. -Caritas in Veritate, n° 33

Faisant écho à Jean XXIII, le Pape Jean-Paul II a ouvertement appelé à un nouvel ordre mondial christocentrique:

Frères et sœurs, n'ayez pas peur d'accueillir le Christ et d'accepter sa puissance… Ouvrez grandes les portes du Christ. À sa puissance salvatrice ouvrir les frontières des États, des systèmes économiques et politiques, les vastes domaines de la culture, de la civilisation et du développement.… —POPE JEAN-PAUL II, Homélie inaugurale de son pontificat, 22 octobre 1978; ewtn.com

Et il insisterait plus tard sur la distinction entre une fraternité mondiale et un empire mondial. 

N'est-ce pas le moment pour tous de travailler ensemble à une nouvelle organisation constitutionnelle de la famille humaine, vraiment capable d'assurer la paix et l'harmonie entre les peuples, ainsi que leur développement intégral? Mais qu'il n'y ait pas de malentendu. Cela ne veut pas dire rédiger la constitution d'un super-État mondial. —POPE JEAN-PAUL II, Message pour la Journée mondiale de la paix, 2003; vatican.va

C'est donc là que réside le danger et l'avertissement sous-jacent à travers la nouvelle encyclique du pape Benoît XVI: ce nouvel ordre mondial ouvrira-t-il en fait les portes à Christchurch, ou les fermer? L'humanité est à un tournant sérieux:

Paul VI a bien compris que la question sociale était devenue mondiale et il a saisi l'interconnexion entre l'élan vers l'unification de l'humanité et l'idéal chrétien d'une famille unique de peuples solidaires et fraternels.. -Caritas à Veritates, n° 13

On voit ici une distinction claire faite: celle entre une simple unification de l'humanité et celle d'une «famille de peuples» fondée sur l'idéal chrétien de la charité vécue dans la vérité. Une simple unification ne suffit pas:

Alors que la société se mondialise de plus en plus, elle fait de nous des voisins mais ne fait pas de nous des frères. — PAPE BENOÎT XVI, Caritas à Veritates, n° 19

L'humanisme séculier cherche à faire de nous des voisins, mais pas nécessairement des bons; Le christianisme, en fait, cherche à faire de nous une famille. En fait, ne pouvons-nous même pas dire que Jésus a présenté cette vision d'un nouvel ordre mondial directement dans les Évangiles?

Je prie non seulement pour eux, mais aussi pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin qu'ils soient tous un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, afin qu'eux aussi soient en nous, que le monde peut croire que vous m'avez envoyé. (Jean 17: 20-21)

Ainsi, un nouvel ordre mondial n'est pas «mal» en soi ou simplement parce qu'il s'agit d'un mouvement mondial. Comme l'a dit Jean-Paul II,

Mondialisation, a priori, n'est ni bon ni mauvais. Ce sera ce que les gens en feront. -Discours à l'Académie pontificale des sciences sociales, 27 avril 2001

Et ainsi, le Pape Benoît XVI a exposé une vision lucide et prophétique dans l'espoir que ce sera un «bon» mouvement, un mouvement qui fait écho à l'esprit du Christ exprimé dans les Évangiles et davantage élucidé dans l'enseignement social de l'Église. Mais ne vous y trompez pas: le Pape Benoît XVI voit clairement la possibilité que ce qui commence déjà à émerger se heurte à de nombreux obstacles et ait toutes les chances de devenir très mauvais.

 

LE CENTRE HUMAIN

L'encyclique du pape Benoît XVI peut être résumée dans les mots de son prédécesseur:

… Les êtres humains individuels sont le fondement, la cause et la fin de toute institution sociale. —POPE JEAN XXIII, Mère et professeur, n ° 219

C'est donc ici que le pape Benoît XVI et les pontifes qui l'ont précédé ont une vision d'un nouvel ordre mondial qui se déploie, clairement divergente de la plupart des penseurs modernes: c'est une vision au service de la liberté humaine, celle de «l'homme tout entier» qui n'est pas seulement un être physico-émotionnel, mais aussi spirituel.

L'homme n'est pas un atome perdu dans un univers aléatoire: il est la créature de Dieu, que Dieu a choisi de doter d'une âme immortelle et qu'il a toujours aimée. Si l'homme n'était que le fruit du hasard ou de la nécessité, ou s'il devait abaisser ses aspirations à l'horizon limité du monde dans lequel il vit, si toute réalité n'était que histoire et culture, et que l'homme ne possédait pas une nature destinée à se transcender dans une vie surnaturelle, alors on pourrait parler de croissance, ou d'évolution, mais pas de développement. -Caritas in Veritate, n ° 29

Sans cette dimension «transcendante» prise en compte dans le développement des nations et des peuples, nous risquons de souffler une «grande opportunité» (n. 33), comme le dit Benoît XVI, de devenir une véritable humain famille mondiale.

… Sans les conseils de la charité en vérité, cette force mondiale pourrait causer des dommages sans précédent et créer de nouvelles divisions au sein de la famille humaine… l'humanité court de nouveaux risques d'esclavage et de manipulation. —N.33, 26

Comment ne pourrait-il pas y avoir un avertissement plus clair contre le mauvais type d'ordre mondial?

 

LES NATIONS UNIES

Pourtant, beaucoup sont bouleversés, affirmant que le Pape Benoît XVI appelle à une Organisation des Nations Unies avec des «dents». Le problème est qu'il est bien connu que l'ONU a de nombreux agendas contraires à l'enseignement de l'Église, et utilise activement tout pouvoir dont elle dispose pour faire avancer un agenda anti-vie (tandis que d'autres encore estiment que l'ONU pourrait devenir un instrument de bête »…) Mais une lecture plus attentive des paroles du Saint-Père s'impose ici:

Face à la croissance incessante de l'interdépendance mondiale, il existe un besoin fortement ressenti, même en pleine récession mondiale, d'une réforme de la Organisation des Nations Unies, et de même de institutions économiques et finance internationale, afin que le concept de famille des nations puisse acquérir de véritables dents. —N.67

Premièrement, le pape Benoît XVI appelle à une «réforme» de l'ONU - et non à une autonomisation de son État existant, ayant reconnu bien avant de devenir pape les problèmes fondamentaux souvent associés à l'ONU:

… Les efforts pour construire l'avenir ont été faits par des tentatives qui s'inspirent plus ou moins profondément de la source de la tradition libérale. Sous le titre Nouvel Ordre Mondial, ces efforts prennent une configuration; ils se rapportent de plus en plus à l'ONU et à ses conférences internationales… qui révèlent en toute transparence une philosophie de l'homme nouveau et du nouveau monde… —Le cardinal Joseph Ratzinger (PAPE BENOÎT XVI), L'Évangile: affronter le désordre mondial, par Msgr. Michel Schooyans, 1997

Une philosophie parfois profondément en contradiction avec la loi naturelle et morale.

Deuxièmement, c'est un «concept de famille des nations» qu'il envisage d'acquérir des dents. C'est-à-dire une vraie famille de nombreuses cultures diverses, se soutenant les unes les autres dans un esprit de solidarité, de générosité et de vraie liberté basée sur la charité dans la vérité et une justice authentique qui défend toujours le bien commun. Ll est ne sauraient appelant à un pouvoir singulier pour exercer un contrôle total sur tous les aspects de cette famille de nations, mais à une dispersion organisée du pouvoir ou «subsidiarité».

Afin de ne pas produire une puissance universelle dangereuse de nature tyrannique, la gouvernance de la mondialisation doit être marquée par la subsidiarité, articulé en plusieurs couches et impliquant différents niveaux qui peuvent fonctionner ensemble. La mondialisation a certainement besoin d’autorité, dans la mesure où elle pose le problème d’un bien commun mondial qu’il faut poursuivre. Cette autorité doit cependant être organisée de manière subsidiaire et stratifiée, si elle ne veut pas empiéter sur la liberté.. -Caritas in veritate n.57

 

 UNE VISION PLEINEMENT HUMAINE

L'encyclique du Pape peut sembler trop optimiste dans notre «culture de la mort». Mais il n'est réalisable, nous rappelle-t-il, que par la puissance de Dieu.

D'un autre côté, le rejet idéologique de Dieu et un athée d'indifférence, inconscient du Créateur et risquant de devenir tout aussi inconscient des valeurs humaines, constituent aujourd'hui quelques-uns des principaux obstacles au développement. Un humanisme qui exclut Dieu est un humanisme inhumain. -Caritas in veritate n° 78

Et ainsi, Dieu a suscité de nos jours des prophètes, au premier rang desquels sa Mère, pour nous avertir que notre société est effectivement devenue «inhumaine». Que sans une vision holistique de la personne humaine qui rende compte non seulement de sa dimension spirituelle mais de la source et de la vie de cette dimension, nous sommes confrontés à un avenir incertain. Comme le disait Jean XXIII, «Séparé de Dieu, un homme n'est qu'un monstre, en lui-même et envers les autres…» (M. et M., n. 215).

Un monstre… et peut-être un bête.

 

 

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Publié dans ACCUEIL, FOI ET MORALE.

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